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Vanessa Bruno ses nouvelles ambitions avec Henri Sebaoun

Who’s Next Pavillon 6.2 stand H61/H69

Vanessa Bruno
Ses nouvelles ambitions avec Henri Sebaoun

Vanessa Bruno entame une nouvelle ère. L’entrée au capital d’Henri Sebaoun, ex-PDG de Carven, donne depuis un an une belle force de frappe à la marque française. L’investisseur, qui assure également la fonction de directeur général, détaille les grandes lignes du plan stratégique pour doubler la taille de l’entreprise et tripler le volume du parc de magasins.

Propos recueillis par Marie Denoyelle

Vanessa Bruno

Henri Sebaoun

Pour la première fois depuis sa création, la Maison Vanessa Bruno a décidé il y a quelques mois d’ouvrir son capital à un investisseur extérieur. Avec quelle répartition des titres constitutifs et quel pouvoir pour chaque associé ?
Je suis entré au capital en janvier 2019 avec une part minoritaire. Vanessa Bruno reste détentrice majoritaire avec sa famille dans la société qui gère la marque éponyme créée en 1996. Nous formons aujourd’hui un binôme stratégique à la tête de l’entreprise — elle assure la direction artistique ; j’assume la direction générale — et nous prenons conjointement les décisions qui s’imposent pour nourrir nos nouvelles ambitions. Mon expérience en tant que dirigeant de griffes de luxe, au sein de la Maison Carven notamment, et comme consultant sur le marché du prêt-à-porter haut de gamme, permet de poser un regard neuf et extérieur pour booster le développement.

Quels sont les constats dressés et les chantiers lancés ?
Le premier chantier a concerné le positionnement produit de la ligne principale Vanessa Bruno. Celle-ci nécessitait d’être redéfinie après l’arrêt en 2017 de Athé, qui proposait depuis 1994 des modèles plus jeunes, plus girly et aussi plus accessibles en termes de prix. Depuis deux ans, seule la gamme premium Vanessa Bruno évoluait grâce à une clientèle aisée. Nous avons alors engagé une réflexion sur le panel de consommatrices et les moyens de l’élargir en distillant un supplément de fraîcheur dans les collections et en proposant une nouvelle entrée de gamme.

La cliente « accessoires  » de Vanessa Bruno a-t-elle un profil type ?
Sa popularité est surprenante par sa diversité transgénérationnelle, avec un spectre large de 15 à 77 ans. Elle est composée de jeunes filles qui achètent le cabas identitaire pour aller à l’école comme de clientes fidèles au style folk et féminin de la marque depuis 20 ans.

Et celle du prêt-à-porter ?
Il s’agit d’une consommatrice attachée à la griffe depuis ses débuts. Notre objectif est aujourd’hui de capter les acheteuses d’accessoires et de les emmener vers la ligne de vêtements. Beaucoup de femmes entrent chez Vanessa Bruno via le cabas ou la maroquinerie et découvrent le textile dans un second temps. L’idée est de créer des vases communicants plus évidents entre les univers.

Comment tisse-t-on ce lien entre les différentes familles de produits ?
Rapprocher les accessoires et les vêtements a été le deuxième chantier prioritaire. Un travail de cohérence et d’harmonisation entre les différentes lignes d’accessoires a été engagé. Nous nous sommes attachés à marquer d’une même empreinte esthétique les cabas et la maroquinerie. Cette empreinte peut passer par un rappel de matières ou de finitions, de façon à ce qu’un dialogue visuel s’instaure naturellement. A titre d’exemple, Holly, qui mêle cuir et raphia, fait partie des nouveautés, lancées depuis un an, qui se déclinent systématiquement en cinq modèles afin de structurer l’offre. Vanessa Bruno est le poumon de la création, c’est elle qui veille à la concordance entre l’accessoire et le prêt-à-porter. Le positionnement prix parle lui aussi, d’une même voix. Il est désormais possible de s’offrir un cabas à partir de 120 € et une pièce textile à partir 150 €.

Le bureau de style s’est-il étoffé ?
La composition du bureau de style n’a pas évolué depuis mon arrivée. Vanessa Bruno, la directrice artistique, dirige une quinzaine de spécialistes de la mode intégrés. Le pôle accessoires compte trois stylistes dédiées respectivement au cabas, à la maroquinerie et à la chaussure. Le textile compte une styliste maille et deux stylistes prêt-à-porter, auxquelles s’ajoutent les chefs de produits.

Quels sont les secrets de séduction d’un produit de plus de vingt ans d’âge ?
Travailler sur la désirabilité de la marque a été un troisième chantier. Ainsi, depuis 2019, nous créons une actualité autour du cabas. Nous faisons voyager ce modèle iconique dans plusieurs pays. Ses pérégrinations renouvellent son style, lui donnent une nouvelle patine culturelle. L’été dernier, il a plongé dans l’ambiance de Saint-Tropez. Un très beau pop-up store a relayé l’événement au Bon Marché. Il y a un mois, il a posé sa toile pailletée à Copenhague, comme un hommage aux origines maternelles danoises de la créatrice. Parallèlement, des réflexions régulières sont menées sur ce produit phare et identitaire, ses détails, ses matières. A sa toile historique, française et éco-responsable, se sont ajoutées au fil du temps d’autres propositions, comme le lin cultivé en Belgique et produit en Europe ; le raphia, fabriqué à Madagascar à la main, mais également le cuir, le nubuck… Ce renouveau, ces nouvelles apparences permettent de recruter des clientes. Aujourd’hui encore, il se vend deux cabas toutes les deux heures dans le monde.

Quel est le poids de la maroquinerie dans le chiffre d’affaires total et comment évolue-t-elle aujourd’hui auprès du prêt-à-porter ?
Ce secteur pèse 40 % des ventes. Il s’agit d’un chiffre stable et relativement important pour une marque issue, à l’origine, du secteur prêt-à-porter. Le succès fulgurant du cabas masque parfois cette réalité. Or ce modèle légendaire a été lancé après la ligne de vêtements, à la naissance de la fille de Vanessa Bruno. Avec quelques paillettes sur une toile de coton, elle a revisité un objet du quotidien jusqu’à le rendre iconique, devenant ainsi un best seller international. Au fil du temps, des lignes maroquinerie et de petite maroquinerie sont venues se greffer. Mais, dans le pôle accessoires, le cabas représente encore 60 % du chiffre.

La chaussure semble prendre de l’ampleur dans l’environnement de la marque, est-ce une réalité ?
La Maison a toujours présenté des articles pour accessoiriser ses collections textiles. Depuis mon arrivée, nous développons en effet cette offre. Elle a vocation à être diffusée aussi bien chez les chausseurs multimarques que dans les boutiques à l’enseigne. Pour l’hiver prochain, une dizaine de modèles, contre 3-4 auparavant, sont proposés. Ils vont de l’escarpin à la running en passant par les bottes et la bottine. L’accent est mis sur les cuirs au tannage végétal. Vanessa Bruno suit une démarche éco-responsable depuis longtemps. Elle se déplace à vélo, privilégie les matières naturelles… Toute sa création est imprégnée de son idéal de vie.

Quels canaux de diffusion empruntent les accessoires ?
Ils sont vendus dans quelque 70 grands magasins en France, à travers les enseignes du Printemps, des Galeries Lafayette et du Bon Marché, où nous disposons de nos propres corners. La gamme est présente dans toutes nos boutiques en propre, mais aucune ouverture dédiée à l’accessoire n’est à l’ordre du jour. Un réseau de maroquiniers multimarques propose également nos produits, mais celui-ci reste encore marginal. Nous souhaitons le développer. Enfin, certains articles sont commercialisés sur les sites de pure players (Net à porter, Place des tendances, L’Exception, etc.). L’e-commerce représente 10 % du CA avec une progression à deux chiffres.

Et le textile ?
Nous comptons un réseau de 350 revendeurs multimarques. A l’export, la Corée se positionne en marché leader avec un partenaire qui compte quelque 25 points de vente. L’Europe du Nord (Benelux, Allemagne et pays scandinaves) la talonne. Aujourd’hui, nous attaquons le marché américain avec confiance. Parallèlement, la marque compte 11 boutiques en propre qui diffusent les vêtements et les accessoires. Seule l’une d’entre elles, à Bordeaux, est régie par l’affiliation.

Développer l’affiliation fait-il partie de la stratégie de croissance ?
C’est un vrai sujet actuel. Notre stratégie au cours des 24 prochains mois est d’accroître de façon significative notre visibilité en France par des boutiques à l’enseigne. L’export arrivera dans un second temps. Dans cette optique, nous souhaitons développer un réseau de partenaires affiliés dans l’Hexagone et ouvrir à moyen terme une trentaine de points de vente répartis entre les magasins affiliés — une vingtaine — et les succursales — une dizaine. Le maillage reste à tisser :  Vanessa Bruno n’est pas représentée en Bretagne, ni dans le Centre, ni à Marseille, ou encore à Nice. En conclusion, l’ambition de la Maison est de doubler la taille de l’entreprise — qui compte 120 salariés — dans les trois ans, de tripler son parc de boutiques et de réconcilier l’accessoire et le prêt-à-porter pour émettre un message stylistique clair.