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Étude de marché

Pourquoi les soldes d’hiver 2022 n’ont pas fonctionné ?

Les commerçants français sont déçus par le résultat des soldes du mois de janvier 2022. Enquête et témoignages pour tenter de comprendre ce désintérêt.

Par Florence Julienne

Une étude réalisée par CCI région Paris-Ile-de-France témoigne du manque d’enthousiasme des consommateurs vis-à-vis des soldes d’hiver et, par là même, du désarroi des commerçants. Une situation qui corrobore celle vécues dans d’autres régions françaises ainsi que les témoignages présents sur le Web.

Selon l’enquête, 78% des commerçants interrogés ne sont pas satisfaits du résultat des soldes qui n’auraient, pour près de la moitié d’entre eux, généré aucun chiffre d’affaires supplémentaire. Pour 85% des détaillants, la principale responsable est la crise sanitaire due au Covid et, par ricochet, la gestion politique de cette crise.

Analyse du chiffre d'affaires lors des soldes d'hiver 2022

Le télétravail ou l’assurance que les clients ne fréquentent plus les magasins

« Cette période de soldes a été marquée par des mesures de restrictions prises par le gouvernement pour lutter contre le Covid : du télétravail, un nombre important de contaminations ou de cas contact, des classes fermées… sont autant de raisons pour lesquelles les Français ne se sont pas déplacés et ne sont pas allés sur leur lieu de commerce et de bureaux et ont donc moins consommé, confie Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du Commerce à nos confrères de France Info. Sur les trois premières semaines nous avons enregistré une baisse d’activité de l’ordre de –25% en magasin par rapport à 2019 ». « Le gouvernement a préconisé trois jours de télétravail entre le 3 janvier et le 2 février, au total c’est quasiment toute la période des soldes qui a été concernée, forcément ça ne peut pas donner de bons résultats sur le commerce », regrette, dans l’enquête menée par le CCI Ile-de-France, le gérant d’une grande enseigne de chaussures. « Dans le quartier on avait beaucoup de clientes qui venaient faire du shopping à l’heure du déjeuner, et on ne les voit plus », se désole une commerçante du 8e arrondissement. « Le télétravail a tué la vie des quartiers », renchérit une autre.

Ecommerce ou les effets d’une concurrence mal venue

À Paris et dans les zones touristiques, la fermeture des frontières a eu raison de la clientèle étrangère qui constitue 30 à 40% de la demande dans un quartier comme Saint-Germain-des-Prés. Mais l’ennemi numéro un reste Internet. « Les ventes en ligne ont explosé : +11 % entre 2019 et 2021 », note Yohann Petiot. Entre le mois de janvier 2021 et janvier 2022, les achats en ligne ont bondi de 15.9%. « On est dans un contexte où il faut que les commerçants puissent s’adapter. Et l’Internet, ça fait partie du bagage, remarque Catherine Sasso, présidente de Manséa*, pour France Bleu. Or les commerçants du centre-ville ne possèdent pas tous un site Internet par manque de temps, d’investissement ou de savoir-faire ».71% des commerçants interrogés par le CCI région Paris Ile-De-France pensent que les clients qui achetaient dans les magasins préfèrent désormais commander en ligne. « Notre clientèle est âgée, elle a peur de venir en transports en commun à cause du Covid, donc elle ne vient plus en boutique. Mais elle commande online ; nos ventes ont augmenté via ce canal », indique une commerçante du 9e arrondissement. « Les clientes commandent 4 paires de chez elles, et ensuite elles en renvoient 3 grâce au retour gratuit… Que deviennent les boutiques dans ce cas ? » interroge la gérante d’une boutique de chaussures de la rue de Rennes (Paris).

Promotions à gogo ou comment tuer la poule aux œufs d’or

Plus de la moitié des commerçants interrogés par le CCI région Paris Ile-De-France avaient pourtant pratiqué de fortes démarques : -50%, dès le début des soldes. Mais les gros rabais n’ont pas fait revenir la clientèle dans les boutiques. D’ailleurs, la multiplication des promotions spéciales, ventes privées, Black Friday, Cyber Monday, French Days… n’auraient-ils pas un effet contre-productif sur les traditionnelles soldes ? La question se pose…

Autres effets pervers ou comment finir de dégoûter les commerçants

Augmentation du coût des matières premières qui fait gonfler le prix final ; loyers qui n’ont pas diminué (35% des commerçants réclament une baisse de leur loyer ou une aide au paiement de leur loyer), charges qui continuent de courir… Résultat ? « Cataclysmique !!! -55% sur l’ensemble de nos points de vente. Jamais vu depuis que nous faisons ce métier », commente le responsable de la boutique Chaussures Alex, sur le groupe Facebook dédiés aux détaillants chausseurs. Ajoutez à ce constat, les commentaires pas toujours bienveillants des internautes : « bien fait pour les commerçants, ils affichent en gros « soldes » puis à l’intérieur on se rend compte que c’est même prix qu’avant. Quand on ne respecte pas les consommateurs, il faut s’attendre à en payer le prix », Équité, France Info ; ou encore « Concevez des produits durables, refaites-les fabriquer en France (ou au moins en Europe) en réfléchissant sur l’impact environnemental des matières premières utilisées et… on reviendra acheter ! », Duchmoll, France Info. Et vous comprendrez, toujours selon l’étude de CCI région Paris Ile-De-France, pourquoi 10% des commerçants interrogés envisagent de mettre fin à leur activité dans les mois qui viennent (cession, dépôt de bilan…). Du reste, les groupes Facebook, qui réunissent des détaillants, commencent à fourmiller d’annonces de revente. Le pire est-il à venir ?

*Manséa : association des Commerçants et Artisans du Centre-Ville du Mans.