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Chaussures

Reportage

Chaussures made in Portugal : à la trépointe de la mode

En quelques années, le Portugal s’est imposé comme destination mode pour fabriquer et acheter des chaussures. En reportage exclusif à Porto, C+ accessoires vous explique comment le pays a fait évoluer son image et vous emmène à la découverte de 3 acteurs majeurs du secteur.

Article sponsorisé. Photos reportage João Saramago

La fabrication de chaussures est une tradition familiale, héritée du XIXème siècle, principalement localisée dans le nord du pays, autour de Porto. Jusque dans les années 2000, le Portugal se contentait de fabriquer pour des marques internationales. Valeur ajoutée ? Maigre. Prestige ? Moyen. Mais les temps changent !

Les chaussures made in portugal sont de plus en plus fashion
Conception de chaussures au portugal

Des chaussures portugaises écoconçues pour un mode de vie durable (sustainable way of life)

Parmi les facteurs qui ont permis à la chaussure portugaise de devenir fashion, notons l’évolution des mentalités. À l’heure où l’écoresponsabilité est la tendance dominante du marché, consommer du Made in Europe signifie s’engager pour la planète, tout en assurant la survie de la société de consommation. Les dirigeants portugais ont parfaitement anticipé ces nouveaux comportements d’achats, comme le résume Paolo Gonçalves, directeur de communication d’APICCAPS* : « Nous voulons être la référence mondiale en termes de conception écoresponsable. L’enjeu d’une paire de chaussures n’est pas seulement le produit mais tout ce qui va autour […] La sustainability (durabilité en français), c’est prendre soin de nos familles au sein des entreprises, c’est protéger le made in Europe, privilégier les questions liées à la consommation d’eau, d’énergie… Dans les années à venir, nous allons investir, grâce au Fonds Monétaire Européen, 70 millions d’euros dans cette voie ». Cette somme permettra, entre autres, de financer le Centre Technologique de la Chaussure du Portugal (CTCP), une organisation à but non lucratif, fondée en 1986 par APICCAPS et le Ministère de l’économie.

Test de compostage et recyclabilité du cuir

Recyclage, digitalisation, biodégradabilité… Les secrets d’une industrie modernisée

En plus des traditionnels contrôles, tests sécuritaires et labellisations CE, le CTCP mise clairement sur la recherche. Le tannage du cuir est repensé dans une obsession de biodégradabilité et de chrome free — comprenez sans utilisation de métaux lourds. Des tests à base de végétaux (tara, mimosa…), de polymères ou d’aluminium sont effectués. Les semelles extérieures sont recyclées de chutes de liège ou de leurs propres déchets. Les semelles intérieures sont en latex avec mémoire de forme. Le laboratoire expérimente des substituts au cuir, la fabrication additive, l’impression au laser… Le CTCP bénéficie également de collaborations avec des universitaires internationaux, soucieux de jouer leur rôle dans la mode du futur. Grâce à ce lab factory, les industriels sont au fait des technologies les plus modernes.

Lemon Jelly

Luis Onofre

Nobrand

Des marques de chaussures portugaises aptes à rivaliser avec les plus renommées

Bénéficiant de cette expertise pointue et forts de leur savoir-faire, les industriels lusitaniens prennent pied dans l’échiquier des griffes de chaussures internationales. Ainsi, sur les 300 marques qui ont vu le jour ces dix dernières années, une bonne vingtaine s’est hissée au sommet, parmi lesquelles : Felmini, Luis Onofre, Nobrand, Carlos Santos, Ambitious (voir l’article ci-dessous), Miguel Vieira, Lemon Jelly… Toutes ont les armes suffisantes pour s’ouvrir à l’international. Pour cela, elles peuvent exposer aux salons professionnels qu’APICCAPS recommande et soutient financièrement : Micam, Gallery Shoes, Crecendo, Riva Schuh, Première Vision… « Nous voyageons dans le monde entier pour présenter nos produits, nos innovations, nos collections, nos marques…, explique Paolo Gonçalves. Ainsi, en temps normal, chaque année, nous sommes présents dans 60 manifestations professionnelles à travers le monde. Le secteur exporte 95 % de sa production dans 63 pays ».

Luis Onofre

Exceed Shoe Thinkers

JJ Heitor

L’âme portugaise au service d’une sous-traitance très compétitive

Il y a 12 ans, le slogan pour faire buzzer le secteur était « the sexyest industry in Europe » (l’industrie la plus sexy d’Europe). Aujourd’hui Appicaps communique avec des arguments moins aguicheurs, mais pragmatiques : la réactivité de l’appareil industriel face aux commandes, la possibilité de faire fabriquer des petites séries, la certitude d’une production portugaise (comprenez aucune délocalisation), une qualité égale à l’Italie mais 20 % moins chers grâce à une main-d’œuvre meilleur marché (l’équivalent du SMIC est à 740€). Au-delà de ces éléments factuels, l’association véhicule l’âme du Portugal à travers son site internet portugalshoes.pt et dans les éditoriaux mode de la revue Soul, qu’elle édite.

Paolo Goncalves, directeur de communication de l'APPICAPS

* À propos d’APICCAPS (Portuguese Footwear, Components, Leather Goods Manufacturers’Association)

L’Association portugaise des fabricants de chaussures, de composants et de produits en cuir, basée à Porto et fondée en 1975, compte 500 membres issus des industries de la chaussure, composants de chaussures, maroquinerie et équipements pour les secteurs susmentionnés. Ses missions portent sur l’internationalisation, le soutien technique, l’étude des projets, la communication, la formation professionnelle, la convention nationale du travail…

En photo : Paolo Gonçalves, directeur de communication d’APICCAPS et rédacteur en chef de la revue Soul.

AMBITIOUS

Ambitious, une marque portugaise

Miguel Vieira, responsable marketing et Paulo Martins, CEO

Collection Haven en cuir suede tannage végétal

Collection Haven

Collection Cap

Ambitious est une marque créée par l’entreprise Celita, qui compte 25 ans d’expérience dans le soulier masculin (design, prototypage, fabrication), 200 employés, 2 unités de production et 150 clients internationaux (Europe, USA, Japon…) représentant 80 % du chiffre d’affaires.
Mais le dirigeant, Paulo Martins (à droite sur la photo) a su dépasser le statut de sous-traitant pour concevoir, en 2008, une marque de sneakers dont 2 collections ont particulièrement retenu notre attention, tant elles s’inscrivent dans un processus de fabrication durable. La première se nomme Haven et comprend 10 modèles. Le cuir suede est tanné avec des agents végétaux, la semelle intérieure est en polyester recyclé et la semelle extérieure, un mix de mousse Bultex et de caoutchouc naturel. La seconde s’intitule Cap, entre 15 et 20 modèles, propose des sneakers 100 % recyclées, y compris les lacets. Elles sont en toile Seaqual (polyester élaboré à partir de bouteilles en plastique trouvées en mer), teinte avec une encre à base d’eau, ou en Nappa Falcon (87% PVC, 11% coton et 2% PU.). La semelle est un mélange de caoutchouc et céréales recyclés.
Le packaging en carton est lui aussi entièrement recyclable. Les prix de vente publics quant à eux varient entre 80 et 100€, un argument de vente supplémentaire face à la concurrence.
Ambitious est présente dans 20 multimarques portugais et plus de 200 points de vente en Italie. Ce qui augure de belles perspectives pour la France où la marque possède 20 revendeurs et espère bien se développer, la pandémie ayant freiné ses ardeurs.

MARIANO Shoes

La dirigeante et la styliste de Mariano Shoes

Fatima Oliveira, CEO et Angela Oliveira, designer

Lounge Sleepers

Babouches brodées

AllaroundShoes Calçado est le gardien de la pure tradition artisanale. Des marques d’excellence confient leur fabrication à cet atelier de 20 personnes, créé en 1945. La dirigeante, Fatima Oliveira (à gauche sur la photo), tient à conserver ses talents, notamment dans la façon de patiner les cuirs à la main. Elle accepte les commandes en petites quantités : minimum 6 paires. Sa marque Mariano Shoes, lancée dès les origines, a pris un virage radical en 2019 sous la patte de l’audacieuse styliste Angela Oliveira. Cette dernière n’a pas hésité à sortir du cadre des souliers masculins classiques (Richelieu, derby, brogue…) pour proposer une collection de chaussures de confort, une tendance très forte du marché, surtout après le confinement et avec le télétravail. Au menu : des sleepers lounge pour hommes, en cuir ou cuir velours (y compris le patin) et des babouches pour femmes, réalisées à partir de tissus de décoration anglais, merveilleusement brodés, et pour lesquelles chaque pied est différent. Avec des modèles vendus respectivement 180€ et 360€, Mariano Shoes s’adresse principalement à une clientèle de revendeurs sélectifs, comme c’est déjà le cas à Monaco (boutique Monte Carlo Forever).

Vue sur l'atelier de fabrication des chaussures
L'atelier emploie une vingtaine de personnes

ATLANTA

José Luis Corta

Moule pour semelles

Showroom Atlanta

Depuis 27 ans, Atlanta est spécialisé dans la fabrication de semelles en EVA, thermoplastique, polyuréthane, caoutchouc synthétique, latex ou chutes de liège recyclées. L’usine est emplie de blocs de plastique qui sont aplatis, lissés puis insérés dans des moules en aluminium ou en acier. Deux fois par an, la société présente ses collections dans son showroom et sur des salons professionnels, comme Lineapelle. Pour l’automne hiver 2022/2023, l’accent est mis sur les semelles plateformes, la légèreté et l’écoresponsabilité. Les clients peuvent choisir parmi ses propositions ou décider de faire fabriquer leurs propres créations. Le minimum de commandes requis est d’au moins 300 paires à 6 ou 7€ chacune, en fonction du temps de machine et de la main-d’œuvre mobilisée. Mais le responsable commercial, José Luis Costa, accepte aussi les demandes de créateurs qui l’inspirent, comme ce fut le cas pour la marque Pauljac. Pour satisfaire la demande de sa centaine de clients, Atlanta embauche 90 personnes qualifiées, « une denrée qui se fait rare », selon le dirigeant, travaillant en 3/8.

Echantillon de matériau pour semelles