La maroquinerie Barret fête ses 100 ans et un Covid
Le 16 novembre 2022, Alexandra Le Creff a fêté les 100 ans de la Maroquinerie Barret (rue Grenette, à Lyon), entourée de ses fournisseurs, clients, institutionnels, amis et famille. Un anniversaire qui signe, certes une longévité, mais aussi une certaine capacité d’adaptation. Cette actualité fut une excellente occasion d’en savoir un peu plus sur la profession de maroquinier bagagiste, à l’heure où les boutiques spécialisées se raréfient.
Par Florence Julienne
La maroquinerie, un chemin tout tracé pour Alexandra Le Creff
La maroquinerie, c’est (presque) toute votre vie ?
Alexandra Le Creff : J’ai grandi dans des maroquineries, j’y ai peut-être fait mes premiers pas ! Puis, j’ai étudié dans une école de commerce pour conduire mes propres expériences. J’ai travaillé pour la grande distribution, dans le groupe Danone. Puis, avec ma famille, on a eu envie de changer de vie : quitter Paris, retourner à Lyon et intégrer la société familiale. J’ai débuté avec mon père, qui avait repris l’affaire dans les années 80. Il est parti à la retraite en 2016. J’ai alors pris sa succession. Aujourd’hui, nous vendons 12 000 produits par an, également répartis entre les sacs féminins et les bagages en volume… mais pas en chiffre d’affaires.
Qu’avez personnellement apporté à la Maroquinerie Barret ?
Je n’ai pas changé l’équipe qui était à la hauteur. J’ai essayé d’évoluer avec mon temps en digitalisant Barret. J’ai développé le service après-vente des bagages : un de mes 10 employés est dédié à 70 % à leurs réparations. Côté marques, j’ai gardé les intemporelles comme celles du groupe Samsonite, mon plus gros fournisseur, qui sont des locomotives du secteur. Le bagage représente 40 % de mon chiffre d’affaires. Mais j’ai aussi inclus de nouveaux noms pour renouveler ma clientèle. Je suis toujours en benchmark sur les réseaux sociaux et sur les salons professionnels pour suivre les tendances de la mode. Par exemple, en 2014, Tumi a fait une présentation qui montrait que le sac à dos allait révolutionner le business. À cette époque, peu y croyaient. Aujourd’hui, tout le monde me demande des sacs à dos.
Quelles nouvelles marques avez-vous introduites ?
Grâce à C+ accessoires, qui avait rédigé un article sur Rains, je m’y suis intéressée. Un mois plus tard, j’ai référencé la marque et nous sommes, aujourd’hui, en train de lui installer un corner. Je suis la première sur la France à l’avoir ! Nous proposons Gérard Darel à une clientèle plus moderne, Biba, Lancaster qui remporte un succès fou, grâce à son bon rapport qualité/prix. Je vends également Porsche Design, Piquadro, Jump… Pour la petite maroquinerie, Secrid et pour les ceintures, La Boucle. Je pratique une exclusivité territoriale.
Quid des produits vegan ?
Mes clients m’en parlent très peu. J’ai testé les sacs Woman Vegan, mais je ne suis pas convaincue par les matières synthétiques. Le toucher du cuir n’a pas d’égal.
Êtes-vous disposée à diversifier votre offre ?
Je fais les imperméables Rains qui correspondent à un développement produits en plus de leur ligne de sacs à dos mais, hormis cela, je préfère me concentrer sur mon cœur de métier et être LA référence bagages sur Lyon.
Une enseigne qui a su s’adapter aux besoins du marché
Quel est le panier moyen de votre clientèle ?
Il se situe entre 130 et 160€. L’âge moyen de mes clientes étant de 45/50 ans, elles ont un pouvoir d’achat assez confortable. Par ailleurs, nous recevons beaucoup de touristes. Ils et elles achètent des valises qui peuvent aller jusqu’à 1 000 ou 1 500€. Mais certaines personnes recherchent des sacs à moins de 100€. La force de Barret est de s’adapter à toutes les bourses.
Quel bilan de votre passage en cross canal ?
En 2016, suite à une formation auprès de la CCI, j’ai créé un site vitrine. À l’époque, je ne voyais pas la nécessité d’une e-boutique. Au moment du Covid, j’ai fait ajouter un module marchand. Les deux Noëls précédents ont bien fonctionné. La majorité des ebuyers n’est pas originaire de Lyon : elle recherche des produits spécifiques ou qui sont en rupture de stock ailleurs. En règle générale, les résultats sont aléatoires. Les envois sont gratuits à partir de 80€ ; les retours payants. Je ne suis pas sûre qu’un e-shop soit rentable, c’est surtout de la visibilité, on est obligé d’y passer. Pour l’instant, il est toujours installé sur la plateforme initiale, mais j’envisage de l’updater. Ce sera une deuxième étape après les travaux de rénovation de la boutique physique.
Justement, pourquoi avoir voulu lifter votre boutique en cette période d’incertitudes économiques ?
Je voulais le faire bien avant mais après deux ans de Covid, la guerre en Ukraine et l’inflation aujourd’hui… Je me suis dit « je ne sais pas de quoi demain sera fait mais, moi, je dois moderniser ! ». J’ai fait appel à un architecte et lui ai précisé que je voulais garder l’identité de la Maroquinerie Barret tout en la mettant au goût du jour. Nous avions un imposant corner Longchamp qui datait des années 2000 et cachait la vitrine, donnant une impression de petitesse au magasin qui fait quand même 300m2 sur deux étages. Désormais, on peut y voir tout le rez-de-chaussée (60m2) et l’escalier qui mène aux niveaux supérieurs. L’emplacement de la caisse a été modifié, l’espace semble agrandi. Le mobilier Longchamp a été renouvelé, mais nous avons voulu casser son univers blanc épuré avec des éléments en bois et un plafond noir, pour souligner que nous ne sommes pas une boutique dédiée. Néanmoins, Longchamp, qui est un partenaire institutionnel depuis un demi-siècle, représente 50% de mon offre sacs à main féminins.
Mercredi 16 novembre, vous avez célébré les 100 ans (et un covid) de la boutique et inauguré ce nouvel agencement…
À cette occasion, j’ai réuni mes fournisseurs, mes clients, ma famille… J’ai invité le maire du deuxième arrondissement de Lyon qui m’a remis une médaille pour honorer les 100 ans de notre institution. On était très fiers.
Finalement, quels sont les secrets d’une telle longévité ?
Elle est due à un choix de produits toujours renouvelé, au travail et à la fidélité de nos équipes — certains employés ont fait toute leur carrière ici – et de nos clients. Le succès de la Maroquinerie Barret tient aussi de notre relation avec nos fournisseurs : ils savent ce dont nous avons besoin.