Le numérique vole au secours du point de vente physique
E-shop, click and collect, livraison à domicile, réseaux sociaux, plateformisation, prestations privées… Petit tour des solutions connectées adaptées aux commerces de proximité.
Le coup d’arrêt des achats en magasins, subi lors de la crise sanitaire, a marqué le commerce. S’ensuit un coup d’accélérateur électronique : les boutiques multimarques négocient leur virage digital pour rester dans la course. Elles ont un retard à rattraper : 78 % des enseignes mode, interrogées en avril dernier par l’organisateur de Salon Who’s Next, n’utilis(ai)ent pas de solutions digitales. Même constat du côté de l’Observatoire prospectif du commerce de détail de l’horlogerie-bijouterie : seuls 22 % des entreprises de ce secteur disposent d’un canal de vente en ligne.
« Le confinement obligatoire et ses lourdes conséquences sur les affaires commerciales font bouger les lignes », constate toutefois Delphine David, directrice d’études des secteurs e-commerce, distribution, consommation de la société Precepta Groupe Xerfi. L’experte, auteur de l’enquête La transformation digitale de la distribution, note depuis quelque temps l’inclination des commerçants « à multiplier les canaux d’interaction et les parcours d’achat ».
C’est le cas de l’enseigne Nikki d’Oggi, implantée à Saint-Tropez : « le confinement a servi de catalyseur et de starter à nos envies numériques, se souvient sa dirigeante Sylvie Guinefolleau-Descamps, qui a mis en ligne son e-shop le 11 mai dernier. Simultanément, elle a investi les réseaux sociaux : « nous avons fait notre révolution 2.0 ! », conclut cette gérante de deux boutiques spécialisées dans le prêt-à-porter féminin et les accessoires. Quelques jours après, le 19 mai, c’était au tour du magasin Melisac, à Reims, de lever le voile sur son site marchand. Sébastien Leroy, en charge de cette enseigne familiale de maroquinerie et bagagerie, évoque lui aussi « une prise de conscience numérique pendant cette période troublée ».
Pour ces professionnels, les avantages de la digitalisation se posent là : « renforcement du lien avec la clientèle, création de trafic, animation d’une communauté, recrutement et fidélisation de nouveaux consommateurs, communication suivie et ciblée et ventes additionnelles… »
Pour atteindre ces objectifs, voilà le contenu (non exhaustif) de la trousse à outils numériques.
Les réseaux sociaux
Portes d’entrée électroniques faciles à pousser, intuitives et gratuites, les réseaux sociaux diffusent une image dynamique et interactive du commerce. Ils favorisent la création et l’animation d’une communauté « en un temps record », comme le constate la gérante de Nikki d’Oggi. « Ouverte en avril, notre page Instagram comptait 200 abonnés. Deux mois plus tard, le nombre avait doublé ».
Le temps investi sur Facebook ou Instagram devient d’autant plus rentable que ces géants du Web font évoluer leurs interfaces vers le commerce en ligne.
Depuis quelques mois, de nouvelles fonctionnalités sont proposées aux milliards d’internautes actifs sur les réseaux : Instagram Shopping et autre Facebook Shops font office de boutiques virtuelles. « Les entreprises continuent de faire face aux défis de la vente en ligne, alors qu’elles modifient leurs modèles d’exploitation en raison de la crise du Covid. Aujourd’hui, nous annonçons une nouvelle expérience de shopping pour stimuler l’activité des entreprises et permettre aux personnes d’acheter facilement les articles qui les intéressent via des vitrines virtuelles immersives », explique le leader mondial des réseaux sociaux.
L’e-shop
Dans le vaste paysage des solutions digitalisées, le site marchand a toujours la cote. « C’est notre deuxième magasin… Ouvert en quelques clics », sourit Alexandre Halpern, le codirigeant du magasin parisien Maralex spécialisé en chaussures, maroquinerie, bijouterie et prêt-à-porter. « Quand nous avons repensé le concept store physique en 2019 pour la famille, nous avons fait en sorte que son pendant virtuel devienne l’e-shop. Notre offre multimarque se retrouve intégralement sur maralex-paris.com », explique celui qui trépigne d’impatience à l’idée de proposer une expérience plus immersive avec de la réalité virtuelle. « Mais la technologie reste encore inaccessible pour les petites structures », regrette-t-il. Son site réalise aujourd’hui entre 20 et 25 % du chiffre d’affaires total, « une part en constante progression ». 30 000 visiteurs uniques déambulent chaque mois dans sa boutique virtuelle, où le panier moyen reste toutefois « plus bas que celui observé en boutique » Pour lutter contre la concurrence des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), il propose les frais de port gratuits.
Dans les grandes villes, certains acteurs multimarques proposent des livraisons express. Pour une commande passée avant 13 h, le produit est livré avant 18 h à Paris intra–muros. « Une réactivité appréciée des Parisiens », note Hugo Baylé, le fondateur de Maison Baylé, spécialisée dans les accessoires de mode masculine.
Les solutions web-to-store
Disposer d’une vitrine virtuelle permet de développer des solutions web-to-store et de créer du trafic au sein du point de vente physique. Parmi les plus prisées :
• Click and collect. La marchandise est commandée sur Internet et retirée en magasin. Cette option favorise les ventes additionnelles. Pendant le pic de la crise sanitaire, elle a permis de mettre en place un système de drive, c’est-à-dire un retrait à l’extérieur du magasin des achats effectués en ligne. Ses atouts : conserver le lien avec la clientèle et alléger la fréquentation en espace clos. « Nous avons opté pour cette solution dès le début du confinement », expliquent Carole et Céline Doreille, cogérantes de la bijouterie Doreille située à Sainte-Luce-sur-Loire. « Cela nous a permis de conserver une activité a minima, en limitant les contacts physiques. » Depuis, les deux sœurs ont poursuivi leur avancée numérique avec le lancement d’un site marchand début juillet.
• Les rendez-vous privés. Privatiser l’espace de vente permet au consommateur de faire ses emplettes, seul dans le magasin. Un service personnalisé qui se généralise. Il a été mis en place par Alexandre Halpern pour « offrir un temps privilégié au client en dehors des horaires d’ouverture de la boutique. Très apprécié au moment où la crise du Covid battait son plein, l’engouement est un peu retombé ces derniers temps », s’étonne-t-il.
Places de marché
Plus connues sous le nom anglophone de Marketplaces, les places de marché offrent la possibilité aux petites structures d’avoir pignon sur toile avec des formules clés en main. L’avantage ? Bénéficier de la notoriété et du professionnalisme de pureplayers (Zalando, Amazon, Google, Shopify, etc.). L’écueil ? Se voir amputer du montant des commissions prélevées. Pour Maralex, « ces services restent plus adaptés aux marques qu’aux revendeurs dont les marges sont déjà contractées. »
Aux marketplaces planétaires répondent également des places de marché locales. Plusieurs villes de France disposent de galeries marchandes municipales on line. Certaines d’entre elles ont été créées par Wishibam. Ce fournisseur de marketplaces locales et citoyennes permet aux consommateurs d’acheter en ligne les produits disponibles des magasins du centre-ville de Lyon, d’Angers, de Nice ou encore d’Antibes. « Une dizaine d’autres vitrines géographiques sont en cours de lancement pour soutenir l’économie de proximité », précise Charlotte Journo-Baur, la fondatrice et CEO de Wishibam.
Marketing multimédia
La publicité ciblée digitale révèle son efficacité. Google Ads ou Facebook Advertising permettent des campagnes auprès d’une cible ultra-définie. En fonction des mots-clés tapés par les internautes (via la recherche Google ou Maps par exemple) l’offre du magasin remonte dans la liste de propositions. Le paiement se fait en fonction des résultats. « Pour un budget de 10 à 15 € par jour, je reçois une cinquantaine de clics sur le site », observe Hugo Baylé qui estime à 1 % le taux de conversion.
Parallèlement, la communication interactive et gratuite, se développe via les chatbots. A la connexion au site, un échange s’engage pour des conseils et autres des présentations. Sur la Home page de Maison Baylé, l’accueil (via le chatbot Facebook Messenger) est immédiat et chaleureux : « Cher gentleman, merci de votre visite ! Quel accessoire pour vous aujourd’hui ? ».
M-commerce
Avec le développement des smartphones, le commerce mobile (m-commerce) accélère. Les consommateurs ont pris l’habitude de jongler avec leurs applications. Pour le détaillant, il s’agit désormais de gérer les livraisons, les essayages à domicile et/ou en magasin, de faciliter les retours ou encore d’offrir de nouvelles expériences. Parmi elles, citons :
• La visio groupée ou appel vidéo groupé. Le commerçant donne rendez-vous à ses clients en vidéo pour la présentation de produits orchestrée par un personal shopper. La transaction est réalisée de bout en bout. « La présentation dure 10 à 15 minutes avec des clients habitués à la boutique et les ventes se concrétisent », assure Hugo Baylé, organisateur d’une petite dizaine de visios en juillet dernier. Le ratio serait de 1 (achat) pour 3 (rendez-vous).
• Rendez-vous One To One. Même stratégie, mais individuelle : prise de rendez-vous en ligne, présentation en visio, discussion autour des produits et transaction électronique.
Externalisation
Si la logistique semble vertigineuse, elle peut être déléguée à des professionnels du secteur digital. Les solutions d’externalisation se montrent rassurantes. My Dandy, par exemple, offre la possibilité aux commerçants de bénéficier de services e-commerce et de développer « une expérience 100 % omnicanal ». Cette application mobile est destinée aux indépendants. Moyennant un abonnement mensuel de 175 €, ils accèdent à l’ensemble des options de la plateforme, en illimité.
Aux côtés des géants du Net, des start-up proposent des solutions de site marchand. A l’instar de Goovee. L’entreprise française propose une application e-commerce gratuite pendant un an pour les petites entreprises et les commerces de proximité. Il suffit de créer un compte, de définir une sélection de produits et de la mettre en ligne. Cette solution présente les avantages d’un e-shop créé depuis une tablette, un smartphone ou un ordinateur.
De cette stratégie phygitale (alliance de magasin physique et d’options digitales) dépend aujourd’hui l’avenir du commerce de centre-ville.
par Marie Denoyelle
Newsletter