Le renouveau de Clergerie, Avril Gau et Violet Tomas
Que compte faire French Legacy Group, nouveau propriétaire de ces marques ?
C+ accessoires pose la question à son président, Jérôme Espinos. Interview en avant-première.
Quels actionnaires sont au capital de French Legacy Group ?
Le fonds d’investissement Mirabeau, créé il y a deux ans par Renaud Dutreil, un ancien homme politique, qui a déjà investi dans des sociétés comme Anne Fontaine ou Mauboussin. Mais également Jérôme Bourgois (COO CFO), Stéphanie Fauré (directrice commerciale et marketing) et moi-même. Le but de French Legacy Group est de valoriser un patrimoine et un savoir-faire dans la chaussure et la maroquinerie.
La reprise de l’unité de production de Romans-sur-Isère est-elle à la base de votre volonté d’acquérir la marque de chaussures Clergerie ?
Oui. Pour nous, le made in France est très important. Nous avons fait l’acquisition de Clergerie, car nous savions qu’en amont, nous maîtrisions la fabrication avec 120 employés qualifiés. Nous avons créé French Legacy Group, racheté l’usine et Clergerie en juillet 2020. Dans la foulée, nous avons repris Avril Gau et Violet Tomas.
Comptez-vous faire de la sous-traitance ?
Notre volonté est de produire à 90 % du made in France pour Clergerie. Cette usine, créée il y a 120 ans, a été reprise par Robert Clergerie lui-même en 1981, car elle possède un savoir-faire de coutures goodyear, qui se pratique uniquement pour les modèles masculins et va de pair avec son ADN : des chaussures masculines pour femmes. Par contre, pour Avril Gau et Violet Tomas, nous voulons travailler avec les Européens (Espagne, Portugal, Italie).
Pourquoi avoir enrichi si vite votre portefeuille ?
Pour l’anecdote, la créatrice d’Avril Gau a fait ses débuts chez Clergerie. Mais, elle a surtout un positionnement totalement différent. Plus contemporaine, elle s’adresse à une femme active. Je trouve ces approches complémentaires. Quant à Violet Tomas, j’ai fondé cette griffe en même temps qu’un showroom de jeunes créateurs (Studio A), il y a deux ans. Je rentrais des États-Unis où j’étais directeur de l’accessoire chez Ralph Lauren. J’avais envie d’entreprendre.
De nombreux créateurs rêvent d’être soutenus, quels sont vos critères ?
Nous jouons beaucoup sur la complémentarité. Ils doivent avoir leur identité, un savoir-faire et apporter quelque chose de différent au groupe. De plus, nous devons être en capacité de les accompagner dans leur création et dans leur développement.
Quelle stratégie commerciale adoptez-vous ?
Avec tout ce qui se passe en ce moment, le made in France est un atout, ici comme à l’étranger. Les clientes sont à la recherche d’authenticité, d’exclusivité et nous rentrons parfaitement dans cette logique. Les marchés prioritaires sont la Chine, les États-Unis — où Clergerie réalise 40 % de son chiffre d’affaires — et l’Europe, surtout pour Avril Gau et Violet Tomas.
Quels prix moyens pratiquez-vous ?
Les chaussures Clergerie sont vendues au public entre 350 et 500 € ; Avril Gau entre 200 et 300 €. Violet Tomas entre 250 et 350 €.
Ces tarifs sont au-dessus du panier moyen des Françaises…
Le prix est adapté à ce que nous proposons : des articles faits main, avec une vraie qualité. C’est du pré-luxe. Nous sommes certains de trouver notre place sur le marché français et l’avons d’ailleurs prouvé avec Avril Gau, qui bénéficie de très bons taux de revente à Paris comme en province. Aujourd’hui, les clientes sont bien informées, elles reconnaissent le mérite, le confort, ce que l’on cherche à dire… De plus, il y a le pouvoir de la marque en termes d’imagination, d’histoire… qu’elles aiment et veulent porter.
Clergerie collection automne/hiver 2020
Avril Gau et Violet Tomas collection automne/hiver 2020
Quel est le réseau de distribution de Clergerie ?
Clergerie possède 12 boutiques en propre, dont 8 en France, et environ 60 revendeurs. Nous avons la volonté de contrôler notre distribution pour donner du sens à notre collaboration. Un dialogue doit s’instaurer pour comprendre ce qui fonctionne et pour mieux les aider dans leurs ventes. Nous avons une équipe commerciale d’une dizaine de personnes pour le monde. En France, 8 exclusifs se déplacent. Nous possédons un showroom à Paris, (15 rue du Roule 75001 Paris), un à New York et un autre au Japon. Nous n’exposons pas sur des salons professionnels, car il est important que nos acheteurs découvrent l’univers de la marque. Nous avons ainsi plus de temps pour leur expliquer l’inspiration de la collection.
Quid de votre stratégie digitale ?
Pour nous projeter dans le XXIe siècle, nous allons dédier un budget marketing important au digital et au e-commerce. L’idée est de prioriser la digitalisation pour augmenter notre trafic online. Mais je crois encore au retail, aux échanges avec la cliente, face à un produit, dans un magasin. Nous allons travailler sur l’omnicanalité.
Quelle clientèle visez-vous à travers le digital ?
La cliente Clergerie est fidèle, mais il est important d’aller chercher une nouvelle génération et communauté. Nous allons le faire en lançant des produits rajeunis, adaptés aux milléniums.
Que voulez-vous modifier ?
On ne peut changer l’ADN mais on peut, par contre, faire évoluer le produit tout en gardant ses valeurs qui sont : le confort, le savoir-faire, l’artisanat, l’histoire, l’innovation, l’architecture, la modernité, les matériaux naturels. Nous allons écouter un peu plus nos consommatrices pour répondre à leurs demandes. C’est un concept nouveau. Pour chaque griffe, nous avons une direction de création. Pour Clergerie, c’est David Tourniaire. Il est né à Romans sur Isère, a fait ses premiers pas chez Stéphane Kélian. C’est un visionnaire, un amoureux de la chaussure. Pour Avril Gau, c’est la créatrice. Pour Violet Tomas, je souhaite garantir confort et féminité grâce à des talons portables toute la journée.
Pour ce faire, avez-vous reçu des aides de l’Etat ?
Pour l’instant, non. C’est un projet ambitieux qui s’inscrit dans une conjoncture compliquée, mais nous y avons mis notre passion et nous y croyons !
Vous comptez vous diversifier vers les chaussures masculines et la maroquinerie…
Pour l’homme, aux environs du mois de mars 2022 et ensuite la maroquinerie. Notez qu’Avril Gau fait déjà de la maroquinerie !
Propos recueillis par Florence Julienne